Matthis ☽ On n'est pas à une bêtise près...

On connaît tous le mythe de la cigogne qui apporte les bébés aux parent. Matthis aussi le connaît, ce mythe. Il le connaît mieux que personne. parce que figurez-vous que jusqu'à l'âge de sept ans, il a cru qu'il était né comme ça.
Oui, c'està l'âge de sept ans qu'il a compris pourquoi sa maman voulait qu'il l'appelle Mathilda, et pas Maman. C'est à sept ans que la femme qui l'a mis au monde lui a envoyé la première lettre. C'est à sept ans que sa bulle a éclaté. Une bulle douce, avec le père Noël et la petite souris, et les cloches à Pâques. Sa bulle de bonheur et d'innocence.
Sa mère avait vingt-trois ans quand il l'a rencontrée. Oui, elle a eu son fils à l'âge de seize ans, et l'a abandonné.
En fait, Matthis est né en Nouvelle Zélande un quatre novembre, à Wellington, précisément. Il a été placé en famille d'accueil très tôt, dès l'âge de deux mois. Chez Mathilda, justement. Il n'a jamais connu qu'elle comme maman. Mais elle n'a jamais expliqué à Matthis qu'il n'était pas son fils. Ni génétiquement, ni légalement. Il était seulement sous sa tutelle, après tout ! Mais ça se passait tellement bien, entre cette femme et ce petit garçon aux yeux gris. Ils s'aimaient tellement. Ils étaient tout l'un pour l'autre. Amis. Parents. Vraiment ils étaient proches. Et plus leur complicité grandissait, plus Matthis appelait Mathilda Maman par inadvertance, plus dur c'était pour elle de trouver le bon moment pour lui dire la vérité. Mais tout a basculé le jour où le petit garçon a reçu cette lettre de cette femme qui se prétendait être sa mère. Et qui disait qu'elle voulait le rencontrer.
La rencontre a eu lieu. Matthis n'avait rien en commun avec la jeune femme brune qui lui faisait face. À part ses focettes, et la couleur de ses cheveux, peut-être. La forme des yeux, et le sourire.
Le courant n'est pas passé tout de suite, entre eux. Ils se sont revus plusieurs fois, et la jeune femme lui offrait toujours des cadeaux plus beaux les uns que les autres. Ils ont appris à se connaître. À s'apprécier. Puis un jour, Matthis n'était pas au point de rendez-vous pour que Mathilda le récupère. Alors elle a attendu. Dix minutes. Vingt minutes. Une heure. Deux heures. Trois heures. Rien. Personne. Elle a appelé la police. Le petit Matthis, huit ans alors, et les cheveux longs jusqu'aux épaules, était introuvable. Sa mère biologique aussi, d'ailleurs. Il a été retrouvé deux semaines plus tard, à Sydney, en Australie, les cheveux coupés et teints en noir, endormi sur un banc dans un parc, sous l'effet de puissants somnifères, sa mère étant allée acheter de quoi manger.
C'est là que Mathilda a décidé d'engager la procédure d'adoption.
Alors Matthis a porté le mon de Mathilda. Karlson. Il était heureux ! Après cet incident, il n'a rien vécu de mémorable. C'était un gosse normal. Il faisait des bêtises, il se faisait gronder, mais pas trop fort, il était très bon en orthographes et n'aimait pas les maths. Il avait beaucoup de copains, mais pas vraiment d'amis. Il aimait faire la cuisine, et nager.
C'est à l'âge de dix-huit ans que son petit monde a à nouveau changé de cap. Quand sa mère - Mathilda s'entend - est décédée dans un accident de voiture. Il avait l'âge pour se prendre en main seul, mais la perte de la personne qu'il aimait sans doute le plus au monde l'a profondément touché. Dès qu'il a eu son diplôme, avec ses quelques économies, il a déménagé aux US. La Nouvelle Zélande ne pouvait rien lui apporter de plus. Il avait besoin de changer d'air. Alors il est arrivé à New York, et a été reçu à l'Université, section Architecture. Cela fait maintenant quatre ans qu'il vit à la Grosse Pomme, et tout se passe à merveille, dirait-on...